Fiches Pratiques

Les règles d’urbanisme applicables aux ICPE

Le droit des ICPE s’articule obligatoirement avec le droit de l’urbanisme et les principes de bon voisinage.

Chapitre 1. La demande de permis de construire

Tout exploitant qui veut créer une ICPE doit, indépendamment du dossier de demande d'autorisation, d'enregistrement ou de déclaration, déposer une demande de permis de construire. La demande d'autorisation ICPE et la demande de permis de construire sont deux procédures distinctes qui relèvent de deux législations indépendantes : le droit des ICPE et le droit de l’urbanisme.

L'illégalité de l'un des deux actes n'entraîne donc pas l'illégalité de l'autre. Toutefois, une installation construite sans permis sera considérée comme illégale.

I. Qui est compétent pour délivrer le permis de construire une ICPE ?

Si la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU), le maire dispose du pouvoir de délivrer les permis de construire au nom de la commune.

Si ce n'est pas le cas, le maire peut néanmoins le délivrer au nom de l'Etat, mais cette prérogative peut également relever du préfet.

Article L 422-1, R* 422-1 et R* 422-2 du Code de l'urbanisme

II. Comment coordonner les deux procédures d'autorisation ?

Le futur exploitant d'une ICPE doit adresser au préfet sa demande d'autorisation, d'enregistrement ou sa déclaration en même temps que sa demande de permis de construire au maire. La demande de permis de construire est assortie de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ICPE, et vice-versa.

Article R* 431-20 du Code de l’urbanisme

CE, 31 mars 2008, n°285690, Société Normande de nettoiement

Lorsque le projet porte sur une ICPE soumise à déclaration, enregistrement ou autorisation, les travaux ne peuvent pas être exécutés avant que le préfet ait pris l'arrêté correspondant ou la décision d’acceptation.

Article L 425-10 et L 425-14 du Code de l'urbanisme

Article L 181-30 et L 512-7-3 du Code de l'environnement

III. Quelles sont les exceptions à la demande de permis de construire ?

L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent (ou éolienne) est exempté de la demande de permis de construire car l’autorisation environnementale inclue la demande de permis de construire.

Article R 425-29-2 du Code de l’urbanisme

Décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale

IV. Le permis de construire peut-il être refusé ?

Le Code de l'urbanisme prévoit plusieurs cas de figure dans lesquels le permis de construire peut être refusé ou assorti de prescriptions spécifiques qui peuvent concerner directement les ICPE tels que :

  • exposition à des nuisances graves dues notamment au bruit,
  • atteinte à la sécurité et à la salubrité publique,
  • compromet la conservation ou la mise en valeur d’un site ou de vestiges archéologiques,
  • risques présentés par les accès (pas de voies publiques ou privées existantes),
  • imposition de dépenses de fonctionnement des services publics ou d’équipements nouveaux pour un coût financier trop important.

Articles R 111-2, R 111-3, R 111-4, R 111-5 et R 111-13 du Code de l'urbanisme

Chapitre 2. Les périmètres de protection autour d’une ICPE

Certaines ICPE peuvent présenter de gros risques pour le voisinage environnant en cas d’accidents. C’est pourquoi la maîtrise de l'urbanisation autour d’une installation à risques peut se faire notamment par l’établissement de servitudes d’utilité publiques (SUP) ou par l'adoption de projets d'intérêt général (PIG).

I. Les servitudes d’utilité publique (SUP)

Le Code de l’environnement prévoit la possibilité d’instituer des servitudes d’utilité publique pour certaines ICPE concernant l’utilisation du sol ainsi que l’exécution de travaux soumis au permis de construire.

Qu’est-ce qu’une SUP ?

Les SUP sont des limitations administratives au droit de propriété, instituées par l’autorité publique dans un but d’utilité publique.

Elles vont alors :

  • limiter ou interdire certains usages concernant le droit d’occuper ou d’utiliser le sol,
  • imposer certaines prescriptions techniques quant à l’installation d’ouvrages, afin de limiter l’exposition des occupants des bâtiments aux phénomènes dangereux,
  • limiter les effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales.

Les SUP ne peuvent toutefois pas contraindre à la démolition ou à l’abandon de constructions existantes et édifiées dans les normes.

Article L 515-8 du Code de l’environnement

Comment les SUP sont-elles instituées ?

Les SUP sont instituées :

  • soit à la requête du demandeur de l’autorisation,
  • soit du maire de la commune,
  • soit sur initiative du préfet.

Elles sont décidées à l’intérieur d’un périmètre délimité autour de l’installation.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de délimitation du périmètre, qui tiennent compte notamment des équipements de sécurité de l'installation et des caractéristiques du site.

Les servitudes et leur périmètre sont arrêtés par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation de l'installation classée.

Elles sont ensuite annexées au plan local d’urbanisme de la commune.

Article L 515-9 et L 515-10 du Code de l’environnement

Les servitudes d'utilité publique ouvrent-elles droit à indemnisation ?

Les préjudices directs, matériels et certains, résultant de la servitude et subis par les propriétaires, les titulaires de droits réels ou leurs ayants droits, peuvent être indemnisés.

La demande d'indemnisation doit être adressée à l'exploitant de l'installation dans un délai de trois ans à dater de la notification de la décision instituant la servitude. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation à la date de la décision de première instance.

Le juge limite ou refuse l'indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a été faite dans le but d'obtenir une indemnité.

Le paiement des indemnités est à la charge de l'exploitant de l'installation.

Article L 515-11 du Code de l'environnement

II. Les projets d’intérêt général (PIG)

Qu’est-ce qu’un PIG ?

L’Etat peut qualifier de projet d'intérêt général tout projet d'ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d'utilité publique. C’est un moyen pour l’Etat de faire prévaloir des intérêts qui dépassent le cadre communal. Le PIG peut donc aller à l’encontre d’un PLU quand cela est nécessaire :

  • soit dans le but d’établir un périmètre de protection autour d’une installation, par exemple lorsque le PLU prévoit une zone d’urbanisation autour d’une futur ICPE ;
  • soit dans le but de pouvoir faire établir une installation, par exemple dans une zone que le PLU ne rendait pas possible.

Comment sont-ils institués ?

Pour être institués, ils doivent répondre à plusieurs critères :

  • Présenter un caractère d’utilité publique ;
  • Être destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, etc. ;
  • Avoir fait l'objet soit d'une décision d'une personne ayant la capacité d'exproprier, soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements.

Article L 102-1 du Code de l’urbanisme

Chapitre 3. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT)

Le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) est un outil introduit suite à la catastrophe de l’usine AZF en 2001 pour renforcer la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels à haut risque.

I. Qu’est-ce qu’un PPRT ?

Les PPRT ont pour objet de délimiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans certaines installations et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu.

Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre.

Article L 515-15 du Code de l’environnement

II. Quelles sont les installations concernées ?

Les installations présentant des dangers particulièrement importants pour la sécurité et la santé des populations voisines et pour l'environnement visées par l’article 515-36 du Code de l’environnement.

Sont concernées les installations mises en service avant le 31 juillet 2003 et ajoutées à la liste prévue à l'article L 515-36 postérieurement à cette date.

Article L 515-15 du Code de l’environnement

III. Quelles sont les zones concernées par la délimitation du périmètre ?

Le PPRT délimite :

  • des zones de maîtrise de l'urbanisation future,
  • des zones de prescription, relatives à l'urbanisation existante, dans lesquels sont délimités des secteurs dits de délaissement et des secteurs d’expropriation.

IV. Quelle est la procédure suivie pour l’élaboration de tels plans ?

Dans chaque département, le préfet recense les installations concernées, dans lesquelles sont susceptibles de survenir des accidents pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques, directement ou par pollution du milieu. Un plan de prévention des risques technologiques est alors établi pour chaque installation, ou pour chaque site comportant plusieurs de ces installations.

Un arrêté du préfet prescrit ensuite l’élaboration du plan qui détermine :

  • le périmètre d'étude du plan ;
  • la nature des risques pris en compte ;
  • les services instructeurs ;
  • la liste des personnes et organismes associés, ainsi que les modalités de leur association à l'élaboration du projet ;
  • si une évaluation environnementale est requise,
  • les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes intéressées,

Le plan de prévention des risques technologiques doit être approuvé dans les dix-huit mois qui suivent l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration.

Article R 515-39 et suivants du Code de l’environnement

V. Que contient-il ?

Il comprend :

  • des documents graphiques faisant apparaître le périmètre d'exposition aux risques ;
  • un règlement comportant les mesures d’interdictions, les servitudes d’utilité publique ;
  • l’instauration du droit de délaissement et de préemption et les mesures de protection des populations prévues ;
  • des recommandations tendant à renforcer la protection des populations ;
  • le cas échéant, des mesures supplémentaires de prévention des risques.

Article R 515-41 du Code de l’environnement

VI. Que se passe-t-il en cas de modification de l’installation sur laquelle un PPRT a été approuvé ?

Les PPRT approuvés relatifs à des installations cessant de figurer sur la liste prévue à l'article L. 515-36 du Code de l’environnement restent en vigueur.

Toutefois, si le risque occasionné par une installation a diminué sensiblement par rapport à ceux existant lors de l'approbation du plan, l'autorité administrative compétente peut réviser, modifier ou abroger ce plan.

Article L 515-23-1 du Code de l’environnement

VII. Autres dispositions

Les éventuels travaux de protection prescrits en application d’un PPRT ne peuvent porter que sur des aménagements dont le coût n'excède pas 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien avant l'intervention dudit PPRT.

Article R 515-42 du Code de l’environnement

Le PPRT approuvé vaut servitude d'utilité publique et est annexé aux plans locaux d'urbanisme.

Article L 515-23 du Code de l’environnement

En cas d’infraction aux dispositions du PPRT, une première amende peut être encourue. En cas de récidive, une peine de 6 mois d’emprisonnement pourra être prononcée.

Article L 515-24 du Code de l’environnement

Article L 480-4 du Code de l’urbanisme

Chapitre 4. Les troubles anormaux de voisinage (TAV)

Un certain nombre d’installations peuvent émettre des gênes (bruits, odeurs, etc.) et causer ainsi des troubles de voisinages.

La théorie du trouble anormal de voisinage est reconnue par la jurisprudence en droit civil depuis 1844. Ainsi, l’exploitant d’une ICPE peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.

La victime peut être :

  • Le propriétaire d’un bien immobilier voisin de l’installation,
  • Le locataire ou usufruitier d’un bien immobilier voisin de l’installation,
  • Les associations de défense de leurs membres, conformément à leur objet social.

 

Le responsable des troubles peut être :

  • Le propriétaire du terrain sur lequel est installée l’ICPE,
  • Le locataire du terrain, à savoir l’exploitant.

Le contentieux pour TAV est relativement récent et se développe de plus en plus au fur et à mesure où les victimes intentent des actions en justice contre les exploitants. Les types de troubles invoqués concernent alors : le bruit, les odeurs, la pollution, la luminosité, les fumées, etc.

Théorie de la « pré-occupation » : la victime d’un trouble ne pourra pas engager la responsabilité de l’exploitant d’une ICPE dans le cas où elle s’est installée postérieurement à l’existence de l’ICPE. Elle ne pourra le faire que dans le cas où l’activité ne respecte pas ses prescriptions ou les dispositions législatives et réglementaires.

 

 

Mise à jour : 08/08/19